lundi 18 août 2014

Ephémère et délétère



Hécate souffre de troubles du comportement alimentaire, et en parle depuis maintenant 6 années sur ce blog (elle tient un autre blog en parallèle, Mlle B). Elle fait donc partager aux lecteur·ice·s en temps réel ses souffrances, les moments où ça va mieux, la distance qu'elle peut prendre par rapport à son poids ou son impossibilité de penser à autre chose, les moments où elle mange à peine pendant des jours et les moments où elle subit des crises et se gave. La longue durée couverte par le blog, et le fait qu'il ait été publié en temps réel (et sans validation préalable par un·e éditeur·ice), fait précisément qu'il ne parle pas que des troubles du comportement alimentaire d'Hécate, mais d'Hécate en général : ses rapports avec sa famille, les soignant·e·s plus ou moins efficaces et compréhensif·ve·s (et le manque d'accès à des soins satisfaisants en quantité ou en qualité), les agressions qu'elle a subies (le courage de livrer des choses aussi personnelles, surtout dans un espace exposé aux trolls, force l'admiration!), …

 Ce blog contient donc quelque chose qu'on ne trouvera jamais dans une vignette clinique ou une étude de cas, même la plus pertinente, même la mieux rapportée : une parole à la première personne, à des moments différents de sa vie, dans différentes humeurs, dont le sujet principal est la personne et non la pathologie. Et, s'il paraît fantaisiste de se former sans entendre les thérapeutes parler des patient·e·s, il faut sans doute se poser des questions sur les thérapeutes (ou futurs thérapeutes) qui ne s'intéressent pas au point de vue des patient·e·s. Une méthode contre-intuitive (interdire de parler de nourriture dans le dialogue avec la psy) qui s'avère être intéressante, une méconnaissance des troubles du comportement alimentaire qui poussent à une solution de facilité alternative (on va dire que c'est une dépression, pis de toutes façons ça ressemble), entendre Hécate parler de ses thérapies peut donner des idées d'exemples à suivre ou à ne pas suivre.

 On s'y attend, dans un blog qui parle de troubles du comportement alimentaire, à fortiori un blog dont l'autrice se livre autant, le contenu est extrêmement violent (le texte, mais aussi l'habillage du blog) : Hécate parle d'une violence intra-familiale parfois insidieuse, de son état suite aux privations, mais aussi des viols qu'elle a subis, de sa difficulté à réussir à nouveau à se faire vomir sans bruit après une période d'amélioration, ... Une réalité qui est ici racontée à la première personne, sans être accompagnée de développements théoriques.

 Bon, en vrai, je vais m'arrêter là, parce que je suis super mal à l'aise de parler d'un blog aussi personnel, j'ai l'impression de parler de la personne, et faire un post de blog sur une personne c'est moyennement élégant, du coup je fais rien qu'à m'embrouiller. Je récapitule pourquoi j'ai surmonté mon malaise :
-savoir que les troubles du comportement alimentaire sont une réalité violente et le ressentir sont deux choses différentes, et en lisant ce blog on ne peut que le ressentir
-l'avis de patient·e·s sur leurs psys est toujours très précieux, dans la mesure où on peut difficilement deviner à la place des patient·e·s, et que malheureusement un·e psy, même bien intentionné·e, peut faire des dégâts
-des informations exhaustives sur un·e patient·e, ou même une thérapie, c'est rarissime déjà parce que ça prend énormément de place (rien que les huit séances d'Herbert Bryan dans La relation d'aide et la psychothérapie ça occupe, et Psychothérapie d'un Indien des Plaines prend un livre entier) et ensuite parce qu'un·e thérapeute a généralement plusieurs patient·e·s, donc n'en sait pas forcément autant sur chaque patient·e
-le format blog permet une écriture en temps réel, et sans intervention d'un·e éditeur·ice (même si je ne me souviens pas avoir vu de coquilles... je déteste ce blog)... sachant que les gens changent avec le temps, je vois mal quel autre format peut offrir ce type de témoignage
-en plus c'est très bien écrit, et encore une fois le courage qu'il a du falloir pour partager autant son intimité force l'admiration  

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